A 14h00 le 14 mai, Antsiva appareille avec à son bord 10 scientifiques pour une nouvelle mission qui, au cours de trois semaines de navigation, doit nous mener de Nosy Be à Tuléar avec des escales prévues sur chacune des îles éparses, Juan de Nova, Bassas da India et Europa.
La première navigation jusqu’à Juan de Nova s’effectue sans incident. en alternance voile et moteur. Comme nous ne rencontrons pas de vent contraire, nous progressons assez vite et , c’est avec 24 heures d’avance sur le programme que nous arrivons en vue de l’île.
Apres les formalités administratives effectuées avec le gendarme, les trois équipes se mettent aussitôt au travail.
Le programme de chacune des équipes s effectue dans de bonnes conditions, le temps est au beau fixe.
L’équipe Kelonia, composée de Stéphane et Georges, part à la capture des tortues juvéniles. Chaque tortue attrapée est ensuite baguée, mesurée, pesée. Un prélèvement génétique est effectué ainsi qu’une photo d’identification des profils de la tête et une photo de la carapace. Cette dernière information devant montrer le lien existant entre la bonne sante de l’animal et la couleur de sa carapace. Les tortues capturées déjà baguées sont mesurées et pesées afin de suivre l’évolution de leur croissance.
L’équipe Ifremer, composée de Ronan, Jérôme, Hendrik, Loïc et Delphine, a pour but de poursuivre l’étude génétique sur les poissons. Après Glorieuses en 2009, l’équipe doit de nouveau prélever 50 poissons de 3 espèces différentes. Ceci afin de prouver ou non l’existence de liens entre un poisson d’Europa et le même poisson capturé aux Glorieuses, a Juan, ou encore a la Réunion. Armés de fusils harpon, nos 5 chasseurs plongent matin et soir à la recherche des petits poissons. Dès la première plongée, l’équipe ramène 50 casse-mira : pour cette espèce, le quota est déjà atteint, il faut dire que l’épave de Juan sur laquelle ils sont allés chasser, en regorge.
L’équipe Spectrabenth, composée de Jean Pascal, Pascal et Hugues, revisite les récifs coralliens pour acquérir des données supplémentaires avec le spectroimageur et surtout faire des Vérités-Terrain c’est-à-dire renseigner les informations sur la structure des peuplements (coraux, algues, éponges). Un blanchissement corallien important a été constaté à Juan sur les Pocillopores.
En plus de cette activité, Jean-Pascal avait pour mission, avec l’appui de l’équipe Génétique, de collecter des mérous et des poissons perroquets pour un programme de l’IFRECOR sur la contamination des écosystèmes par les pesticides, les Eparses devant servir de référence pour des iles comme la Réunion ou la Martinique.
Au cours d une des plongées chasse, Jérôme se fait charger par un requin gris de récif, il le repousse une première fois avec la pointe de son fusil harpon. Mais, le requin revient à la charge poussant Jérôme par la pointe de son fusil pour finalement cesser le combat et laisser Jérôme rejoindre l annexe. Un peu d’adrénaline, mais heureusement pas d’accident.
Côté capture de tortue, Stéphane essaie de former de nouveaux attrapeurs. Certains y mettent tellement de bonne volonté que quelques incidents corporels sont à déplorer. Stéphane, le maitre, donne l’exemple et plonge tête la première sur une patate de corail. Puis, c’est Delphine qui s’ouvre l’arcade sourcilière en se frottant de trop près a une carapace. Loïc ne veut pas être de reste et saute dans 10cm d’eau s’abimant une partie sensible du bas ventre. Enfin, c’est Ronan qui s’écorche le bras. La prochaine fois, Kélonia va peut etre devoir songer à équiper ses attrapeurs de protections corporelles adéquates !!!
Finalement après 4 jours sur Juan de Nova, les objectifs de chacune des equipes sont atteints.
Nous sommes prêts à partir le 22 mai au matin.
Le temps est calme, pas un souffle d’air, la mer est belle et nous naviguons au moteur. A bord, l’ ambiance est a la sieste, a la lecture de BDs ou aux parites de tarot. La seconde nuit le temps se détériore.A l horizon, des nuages très denses sont traversés par d’incessants et fulgurants éclairs qui ne nous annoncent rien de bon. D’après la météo, nous traversons une dépression modérée, mais elle nous bouscule quand même un peu.
Nous avions laissé à la traine le zodiac et, vers 3h du matin, une forte déflagration nous réveille. Une épave est venue se bloquer dans l’amarre et, sous la force de la traction, dans la nuit noire et sous les grains elle a immédiatement explosée. Adieu zodiac…
Au petit matin, nous découvrons entre deux grains violents l’immense lagon de Bassas qui se reflète dans le ciel plombé. Ca pourrait être féerique, mais la mer, le vent fort et la conjonction de houles croisées rendent tout mouillage impossible. Pour s’en assurer, nous longeons le récif ouest passant ainsi près des épaves que nous avions envisagées de prospecter. Mais c’est peine perdue. Le moral des troupes est aussi noir que le ciel. Sur le pont, tous egardent avec une certaine amertume les vagues déferler sur le récif. Nous devons poursuivre notre route, plus au sud, en direction d’Europa. Aux près serré, des trombes d’eau s’abattent sur nous, la mer est forte et courte et malgré la longueur du bateau, nous plantons des pieux. Apres 12h à ce régime, nous arrivons de nuit en approche du mouillage d’Europa, mais les conditions ne permettent pas de mouiller en sécurité et nous tirons des bords sous le vent de l’ile pendant toute la nuit en attendant le lever du jour.
Enfin le 25 mai à 7h00 du matin, Antsiva jette son ancre par 16 mètres de fond devant la station météo. Le matin est consacré aux formalités administratives avec le gendarme. L’après-midi, le temps s’améliore et les différents chantiers scientifiques reprennent.
Ifremer reste dans la partie sud pour chasser les petits poissons dans une eau qui commence à se rafraichir sérieusement. Pendan ce temps, Kélonia et AAMP s’enfoncent dans la mangrove.
Apres les pluies diluviennes qui se sont abattues sur toute la zone, les eaux de la mangrove sont chargées en tanin et, à marée descendante, elles prennent une étonnante couleur coca cola. Pas facile dans ces conditions de repérer et de poursuivre les tortues et puis, ces eaux aussi troubles sont d’avantage propices aux petits requins pointe noire qui sillonnent la mangrove dans tous les sens.
Tous les jours, les différentes équipes se mettent au travail.
L’équipe Kélonia part au petit matin et ne rentre qu’à la tombée du jour. En effet, ils doivent regler leurs horaires sur ceux de la marée car les passes pour rentrer dans la mangrove ne sont praticables qu’a marée haute. Une fois dans la mangrove, l’annexe se retrouve totalement échouée à marée basse et, apres la capture des tortues, l’équipe n’a plus qu’à faire une petite sieste réparatrice à l’ombre des palétuviers en attendant la remontée des eaux.
Même si la clarté s’améliore chaque jour, le fond de la mangrove demeure encore très trouble et les tortues imbriquées que Kélonia a l’habitude de trouver dans cette zone, ne semblent pas, cette fois-ci être au rendez vous. Par contre, Stephane a decouvert un nouveau petit bras de mangrove ou se regroupent des dizaines de tortues vertes. Pascal, avec ses grands bras, y fait des ravages !!!
L’équipe Ifremer reprend sa chasse aux petits poissons, avec plus ou moins de chance et de succès selon les jours.
Mais, auu bout de 5 jours de chasse intensive, les 150 échantillons sont récoltés et entreposés dans le congélateur. Nos cinq chasseurs vont pouvoir ranger leur fusil harpon et participer aux activités et au travail des deux autres équipes.
Quant à l’équipe Spectrabenth, après avoir effectué quelques plongées spectro elle se concentre sur les Vérités-Terrain. Et puis, 8 ans après avoir installé à Europa une station REEF CHECK lors de l’expédition du Crossing de Quiksilver en avril 2002, les plongeurs vont aussi ré-expertiser la station de pente externe, laquelle va se révéler être le plus beau site de plongée sur toute la côte Nord d’Europa.
Samedi 29 mai, après une plongée magnifique sur Reef Check en compagnie de deux grosses loches et d’un gigantesque Napoléon, Antsiva se rend à l’invitation des militaires qui organisent un barbecue au camp.
Nous apportons une belle carangue et un barracuda, afin de varier les menus ‘saucisses-steaks’ des militaires. Ce repas nous permet de faire plus ample connaissance avec le gendarme et le tout jeune lieutenant. Suivra une après midi de détente appréciée par tous.
Dimanche 30 mai, une nouvelle dépression venue du sud nous touche. Plus de trace de bleu dans ce ciel uniformément gris, les averses se succèdent. Certains scientifiques décident de braver les éléments pour faire des observations dans le sud de l’ile à marée basse. Les autres attendent une éclaircie et travaillent studieusement sur les ordinateurs.
Lundi 31 mai: Ce matin, un souffle nous a réveille, un second souffle et nous sommes sur le pont pour observer la première baleine de la saison. Les jours suivant, nous en reverrons quelques unes sans pouvoir identifier de caudales. Dommage.
Aujourd’hui, Georges, le doyen de l’équipe a attrapé sa première tortue. Même si, à 71 ans, Georges affiche une santé exceptionnelle, l’exploit reste réel.
Mercredi 2 juin, notre dessalinisateur étant tombé en panne, les militaires vont nous dépanner en nous apportant des bidons d’eau. Avec la houle, la manœuvre n’est pas très facile, mais, grâce aux efforts conjugués de tous, nous parvenons à déposer 6 futs de 200 litres sur le pont puis à les transvaser dans notre cuve. Nous avons presque le plein, ce qui devrait suffire, en faisant attention, pour finir la mission.
L’après- midi, le gendarme le lieutenant et trois militaires viennent visiter le bateau. Le sergent apprécie le bateau, mais moins la houle et nous le voyons verdir au fil de la visite.
Lors du dernier diner sur Europa, le comite Kélonia-Antsiva représentant la ‘Fédération des Attrapeurs Volants de Tortues des Iles’ décide de décerner un diplôme à tous les attrapeurs volants de tortues.
Ce diplôme ouvrira de nombreuses voies dans le domaine scientifique et devrait etre très convoité par toutes les entreprises ayant un quelconque lien avec le milieu marin. Les détenteurs de ce diplôme auront prouvé leur détermination dans les but fixés et ce parfois au péril de leur vie, leur promptitude dans l’action et leur réactivité par rapport aux événements marins.
Liste des dix lauréats :
Niveau 1- 1 tortue:
George Hughes , Delphine Muths, Ronan Le Goff, Anne Tisné
Niveau 2- entre 1 et 10 tortues:
Jean Pascal Quod, Pascal Mouquet, Loic Le Ru, Hugues Evano
Niveau Expert : + de 30 tortutes : Hendrik Sauvignet, Jérome Bourgea
Et ce soir, le champagne coule a flot…
Vendredi 4 juin, la dépression est passée. Les trois semaines de mission touchent à leur fin et il est temps de penser au retour sur Tuléar. Une demi-journée de manutention est nécessaire pour rincer et ranger tout le matériel.
L’annexe de Kélonia ainsi que les échantillons congelés restent sur l’île et repartiront par avion avec les militaires.
Enfin, à midi, tout est calé et nous sommes prêts à appareiller.
A quelques milles au large, nous lâchons la dernière petite tortue ramassée sur la plage et que nous espérons ainsi sauver de ses nombreux prédateurs. Tous les autres bébés tortues que nous avons relâchés sur Europa ont aussitôt fini dans l’estomac d’une frégate ou d’un poisson ! Souhaitons à celle-ci une plus longue vie…
La traversée jusqu’à Tuléar est assez rapide et nous devons même ralentir pour arriver devant l’entrée du lagon au petit jour. Dans le soleil levant, nous apercevons des dizaines de pirogues à voiles. Les pêcheurs vezo, emmitouflés dans des anoraks et des bonnets partent a la pêche. Il faut dire que sur le pont, la température n’est que de 16 degrés
Le temps de regrouper tout le matériel, de trouver un taxi et nos dix scientifiques quittent le bord. Nous nous retrouverons tous ensembles le soir pour un pantagruélique diner chez l’italien.
Cette longue mission s’achève. Elle nous a permis de retrouver le « noyau dur » des habitués d’Antsiva que nous apprécions toujours autant et que nous accueillons toujours avec autant de plaisir : Stéphane, Jean-Pascal, Jérôme, Hendrik, Hugues et Pascal et elle nous a fait découvrir quatre « nouvelles recrues » Ronan, le « chef » estimé et apprécié de tous, Loïc qui adore former des équipes autour d’un verre de rhum, Delphine qui a voulu lancer la mode du balafré et enfin George qui, du haut de ses 71 ans peut donner des sacrées leçons a tous ces jeunots!
Un seul regret bien sûr, le rendez vous manqué avec Bassas da India. Bassas n’est pas une fille facile, elle vient de nous le prouver une fois de plus.
Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot …
Enfin, un grand merci à toute l’équipe pour ces trois semaines de vie à bord où chacun a su partager sa bonne humeur et son enthousiasme.
Et bravo a tous les photographes pour la moisson de magnifiques images, avec cette année une mention spéciale pour les photos sous-marines.