Cette nouvelle mission PANAMAG 1 s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du plan de gestion du Parc naturel marin des Glorieuses et va s’articuler autour de 4 volets. Aussi, embarquons-nous à bord de l’Antsiva, un nouveau groupe de scientifiques composé de 4 équipes ayant chacune des objectifs bien précis à réaliser.
L’équipe « Tortues » composé de Mayeul, Claire et Katia l’équipe Herbier avec Marine et Katia, l’équipe Qualité de l’eau avec Eric et Clément et enfin l’équipe Holoturies composée de Thierry et Alexandra.
Une fois le matériel embarqué et les scientifiques installés, l’ANTSIVA lève l’ancre. Au sortir de la passe Bandrélé nous rencontrons des conditions de navigations de demoiselle, mais il ne faut pas trainer car un front apportant des vents forts en provenance des Glorieuses s’annonce dans les prochaines heures.
Samedi 26 Septembre
15h30n nous arrivons aux Glorieuses et mouillons en face du débarcadère. Nous mettons aussitôt les deux annexes à l’eau et Katia, Clément et Nicolas descendent à terre pour une première prise de contact avec le gendarme et deux légionnaires
Marine, la responsable plongée en profite pour nous faire un petit rappel sur le fonctionnement des bouteilles d’oxygène ainsi que sur le déroulement des plongées.
Puis, un briefing général s’organise en début de soirée. L’embarcation de Kelonia n’arrivera que dans une semaine, ce qui perturbe un peu le programme. De ce fait, les 4 équipes vont devoir jongler avec les deux annexes d’Antsiva. Les négociations s’engagent le soir à l’apéro, mais la Caïpirina aidant, des solutions sont facilement trouvées.
Dimanche 27 septembre – Jour 1 de travail
25 nœuds de vent avec une mer formée. Même au mouillage le bateau danse doucement devant le débarcadère. Les conditions de travail ne sont pas des plus faciles mais les scientifiques sont à pied d’œuvre dès la première heure.
L’équipe « Holoturies » composée de Thierry et Alexandra est d’abord déposée à terre et va réaliser deux stations sur le platier. La pêche illicite aux concombres de mer étant très fréquente sur la zone, le premier objectif est d’estimer l’abondance des espèces commerciales.
Puis l’annexe orange part avec deux autres équipes : « Herbiers et Qualité de l’Eau »
L’équipe Herbier, composée de Marine et Katia, doit avant tout réaliser l’inventaire et la cartographie des herbiers et définir des stations de suivis, cela passe par des observations vérité terrain en plongée ou en transects tractés.
L’équipe Qualité de l’eau », composée de Clément et Eric va établir un état des lieux de la qualité générale des eaux et sédiments.
Pendant que Marine réalise des points de vérités terrain sur les herbiers, Eric et Clément s’occupent du déploiement en plongée de 3 sondes qui vont suivre de façon très fine la T°, le Conductivité et le niveau d’eau : 2 sondes Température/pression sont déployées et une autre sonde multi paramètres à haute fréquence est mouillée sur un 3ème site.
L’après-midi, l’équipe Qualité de l’Eau reste à bord et collecte des sédiments depuis le mouillage de l’ANTSIVA. Pour ce faire une poulie de renvoi est frappée au portique et le câble de manutention de la benne est ramené sur un des winchs de génois. Après quelques mises au point la benne remontée est pleine de sable d’Alimeda d’une grande finesse. (Enseignement N°1 plus l’échantillon de sédiment est fin plus il pue). Après le sédiment il faut collecter un échantillon d’eau. Une niskin de 5L est mis en œuvre pour permettre l’échantillonnage pour les différentes analyses. En parallèle une sonde multiparamètres est utilisée pour les caractéristiques générales (T°, Conductivité, Salinité, Oxygène dissous, pH).
L’équipe Tortues composée de Mayeul, Claire et Katia doit quant à elle améliorer les connaissances sur les tortues vertes immatures et en particulier leur comportement alimentaire. Pour cela, des caméras GOPRO seront fixées sur la carapace de 10 tortues et enregistreront tous leurs mouvements pendant 4 heures.
L’équipe rentre juste avant la tombée de la nuit, un peu dépitée. Les conditions défavorables de marées ainsi que les eaux brassée par le vent n’ont pas facilité leur travail : ils n’ont pu capturer qu’une seule tortue et celle-ci surnommée « Lilliput » était trop petite pour pouvoir être équipée d’une balise et d’une caméra GoPro.
Lundi 28 Septembre – Jour 2 de travail
Les conditions météo restent sensiblement les mêmes mais la motivation de tous est intacte. Aussi, dès le lever du soleil les deux annexes sont déjà sur l’eau.
Pour la vérité terrain, l’équipe « herbier » met en œuvre deux techniques d’observation, une caméra immergée à un mètre au-dessus du fond qui va collecter les données en profondeur et le « Manta-Tow ». Cette dernière technique consiste à s’équiper en PMT et à réaliser des transects en se faisant tracter, ce qui permet de couvrir des surfaces beaucoup plus importantes.
Puis, vers 8 heures du matin, les deux équipes « Holothuries et Herbiers » sont déposées à terre où le gendarme les attend avec le tracteur pour les transporter avec leur matériel à l’est de l’île. Pendant que Thierry et Alexandra réalisent deux stations holothuries sur le platier, Eric et Clément y prélèvent de l’eau et des sédiments.
Aujourd’hui, l’équipe « Tortue » reprend espoir. Trois tortues sont capturées : Black, First et Thalassia. Ces deux dernières sont équipées d’une caméra Gopro et d’une balise et sont relâchées le jour même.
Parallèlement à la capture de tortues, plusieurs transects Herbiers sont réalisés au cours de la journée.
Mardi 29 – Jour 3 de travail
Ce matin, une baleine à bosse est aperçue depuis le mouillage pour le plus grand plaisir de tous.
Les acquisitions se poursuivent malgré les conditions météo difficiles. Une légère accalmie s’annonce dans la matinée que nous mettons immédiatement à profit pour organiser les premières plongées avec l’équipe « Holoturies ». Celle-ci travaille en déployant pour chaque station 3 grands transects de 100m de long sur 5m de large, couvrant ainsi une surface de 3000 m2 à chaque plongée. Il n’y a pas de densité importante, du coup ils vont devoir multiplier les stations afin d’obtenir des résultats exploitables.
L’équipe « Tortue » avance à petits pas avec une seule capture, Mushroom qui sera aussitôt équipée de son pack « Go Pro + balise »
Tous les soirs, Jérôme Bourjea resté à terre chez Ifremer suit les tortues par satellite et donne leurs positions afin de faciliter leur recapture et par conséquent de récupérer les Gopro.
Jérôme est l’initiateur de cette nouvelle formule de collecte de données, il a pu la tester en mars 2015 sur Juan de Nova en compagnie de Stéphane Ciccione (de Kelonia). Tous les soirs, il encourage par mail l’équipe Tortue.
Mercredi 30 Septembre – Jour 4 de travail
La baleine et son baleineau se rapprochent de l’ANTSIVA et évoluent dans les eaux peu profondes du platier. Nous avons la chance de les suivre dans un rayon de 500m du bateau pendant toute la matinée.
Aujourd’hui, l’équipe « Tortue » a le sourire : 6 captures et 6 Go Pro installées et déployées le jour même. Ce qui porte à 9 le nombre de tortues équipées. Leur objectif de 10 semble désormais réalisable.
Jeudi 1 Octobre – Jour 5 de travail
Les acquisitions se poursuivent malgré les conditions météo toujours difficiles.
L’équipe « Holoturies », en complément des observations de plongée adopte la technique du « manta tow ». Thierry et Alexandra n’étaient pas certains de pouvoir faire du Manta Tow sur les holothuries en raison du manque de visibilité, mais cette technique s’avère finalement très efficace et nécessite moins de moyen en comparaison des plongées. Il faut tout de même une embarcation, un pilote, une personne en charge de noter les observations et les transects et un observateur dans l’eau. Mais, grâce à cette méthode, des surfaces beaucoup plus importantes que celles prévues vont pouvoir être explorées.
Le team « Tortue » surfe toujours sur une vague positive, les difficultés des premiers jours sont oubliées. Avec Panamag, la 10ème tortue équipée, l’objectif est atteint : toutes les Go pro sont déployées, il s’agit désormais de les re-capturer.
Et justement, avec la recapture de la tortue surnommée « Bourrique », ils récupèrent leur première Gopro et donc leurs premières données filmées. Bourrique est aussitôt rééquipée et redéployée.
Vendredi 2 octobre – Jour 6 de travail
Après le départ de l’équipe Tortues sur la zone de capture, Antsiva quitte son mouillage pour un déplacement dans le lagon afin d’effectuer des collectes de sédiments et d’échantillons d’eau.
Deux diagonales sont échantillonnées avec un taux de réussite variable pour la benne à sédiments. En effet, lorsque la benne tombe sur un fond mixte détritique/sable, des blocs, (même petits) de récif mort ou de cailloux, viennent bloquer la fermeture de la benne, et tout le sédiment collecté se perd lors de la remontée. La solution serait d’effectuer une plongée de suivi de benne lors de la descente pour assurer la bonne fermeture de cette dernière, mais les impératifs liés aux tables de plongées professionnelles étant très pénalisantes, aucun plongeur n’a l’autorisation de se mettre à l’eau pour assurer le succès du bennage à coup sûr (Enseignement N°2, il faudrait des tables de plongées prof plus adaptées au travail des scientifiques). Malgré tout, la prise de donnée se poursuit et l’équipe Qualité de l’eau reste très positive sur le succès de ses objectifs.
Pendant ce temps, les deux équipes Holoturies et Herbiers ont pu réaliser à partir de l’annexe orange des transects tractés, une station plongée et des vérités terrain sur les herbiers.
A 17 heures, Antsiva rentre au mouillage pour retrouver Claire et Mayeul.
Le bulletin Météo du soir prévoit une météo au beau fixe pour les 3 jours à venir avec des conditions exceptionnelles les deux premiers jours. Nous programmons donc pour le lendemain un déplacement sur l’île du Lys avec les trois équipes Herbiers, Holoturies et Qualité de l’Eau.
Samedi 3 octobre – Jour 7 de travail
L’arrivée du bateau militaire « La Grandière » est prévue dans la matinée. Mayeul et Claire débarquent à terre car ils vont rester pour réceptionner l’embarcation de Kélonia. Ils vont demeurer 2 jours sur Grande Glorieuse, partageant ainsi la vie du camp et participant aux manœuvres de déchargement de la Grandière.
Vers 8 heures, Antsiva arrive au mouillage de l’îlot du Lys. Deux catamarans de voyage, aperçus la veille sont également présents. Le gendarme profite de la présence de la Grandière pour embarquer à bord d’un zodiac et prendre contact avec les deux voiliers. Ceux-ci sont priés de quitter la zone dès le lendemain matin.
Les deux équipes Herbiers et Holoturies vont réaliser des transects tractés tout autour de l’îlot du Lys ainsi que deux stations en plongée bouteille.
L’équipe Qualité de l’Eau prélève des échantillons d’eau et de sédiments et pose un échantillonneur DGT pour étudier la contamination chimique.
Clément (TAAF) a prévu quant à lui, toute une journée de travail sur l’îlot du lys. Nous le déposons donc à terre où il va poser une trentaine de pièges à rongeurs, délimiter les colonies d’oiseaux, en particulier les nodis bruns et les sternes et faire un état des lieux sur les camps de pêcheurs illicites.
Dimanche 4 octobre – Jour 8 de travail
Deuxième jour sur l’île du Lys. Les scientifiques profitent de cette belle fenêtre météo pour étendre leurs observations en plongée et en transects tractés.
Une station est réalisée sur le trou bleu, également appelé « la piscine ». Les observations effectuées lors des missions précédentes sont confirmées : on note l’abondance d’une espèce d’holothurie. L’équipe Herbiers réalise des radiales à vue couvrant ainsi 44 km de vérité terrain à partir de l’annexe orange. Lors de leur manip, ils croisent également une baleine et son baleineau ainsi qu’un groupe de dauphins à long bec.
L’après-midi, Antsiva se déplace pour permettre à l’équipe Qualité de l’eau d’atteindre de nouvelles stations à l’ouest et au nord qui sont plus exposées à la grande houle d’Est. Seuls les échantillonnages d’eau sont réalisés, les prélèvements de sédiments s’avèrent impossibles à réaliser en raison de la présence trop importante de roches et d’herbiers.
Le soir, nous prenons des nouvelles de Claire et Mayeul toujours sur Grande Glorieuse. Ils ont récupéré leur embarcation et se sont aussitôt remis au travail. Avec la recapture des tortues Shark et Panamag, deux nouvelles Gopro ont pu être récupérées. Shark a aussitôt été rééquipée d’une Gopro.
Lundi 5 octobre – Jour 9 de travail
Ce matin le vent souffle de nouveau et la nuit a été particulièrement mouvementée. Clément récupère les pièges à rongeurs sur l’îlot et nous quittons le mouillage pour rejoindre Grande Glorieuse. La houle est montée et l’embarcation prévue pour l’observation des herbiers nous rejoint. Des vagues de près de 3 mètres sur le point de déferler les ont convaincus à rebrousser chemin. Du coup l’exploration s’organise autour du mouillage du débarcadère.
Allers et venues d’embarcations sur l’ANTSIVA, plongée, manta-tow, bennage et tri des sédiments. Chacun revient satisfait des données collectées.
Pour l’équipe Tortue, le moral est au beau fixe car une nouvelle GoPRo a pu être récupérée.
Un gros requin est observé dans une eau trouble, Mayeul pense à un requin tigre sans pouvoir l’affirmer.
Mardi 6 octobre – Jour 10 de travail
Ce matin, l’équipe « Holoturies » profite de conditions météo favorables et d’un petit coefficient de marée pour se rendre sur « les Roches Vertes » et sur la station « Glo – 3 » située sur la pente externe, à l’Est du récif. La station « Roches vertes » est riche en grande étoile de mer bleue/beige (Linckia laevigata) et Glo 3 reste une station de référence sur la côté Est pour les suivis GCRMN, mais relativement pauvre en abondance d’holothuries. Eric et Clément se joignent à la rotation pour effectuer une collecte de sédiments sur l’Est avec la petite benne.
Pour l’équipe tortue c’est l’euphorie : l’objectif est désormais atteint avec la recapture de 3 nouvelles Go PRO.
Aujourd’hui nouvelle observation de requin, il s’agit bien d’un Tigre, un jeune d’environ 2.50m que Katia a réussi à filmer depuis l’annexe. Désormais, les observations en Manta-Tow se font avec moins de sérénité.
Ce soir une soirée Barbecue est organisée par les militaires. A 18h00 tout le monde débarque, sauf Eric qui a du travail en retard et Nico et Saïd qui restent pour veiller sur l’ANTSIVA. Pendant la soirée, les conditions météo se détériorent, il devient hasardeux de regagner le bord de nuit et tout le monde est invité à dormir à terre. Les militaires mettent à disposition des lits pico dans l’abri anticyclonique qui forme un grand dortoir où chacun peut profiter du ronflement des autres…
Petite nuit pour les uns, sommeil profond pour les autres.
Mercredi 7 octobre – Jour 11 de travail
5h30 du matin, toute l’équipe est déjà sur la plage, pressée de réembarquer à bord. Seul Clément (TAAF) est resté au camp car il a prévu d’accompagner le gendarme dans sa tournée de repérage des traces de ponte de tortues.
En début d’après-midi, l’équipe Tortue se retrouve de nouveau face à un requin Tigre et cette fois ci il s’agit d’un individu imposant de 4 mètres de long. Chaque embarcation est prévenue par VHF et est priée de stopper toute activité de tractage. Décidément le Manta-Tow n’a plus la cote ! C’est pourtant la solution pour évaluer les abondances des holothuries, mais un problème de sécurité se pose notamment lorsque la visibilité est réduite.
Jeudi 8 octobre – Jour 12 de travail
Aujourd’hui, l’équipe « Tortue » va récupérer sa 9ème GoPro. La caméra a pris l’eau mais les données enregistrées sont exploitables. Au total 35 heures d’images ont été enregistrées et les premiers visionnages promettent d’excellents résultats.
Vendredi 9 octobre – Jour 13 de travail
Dernier jour sur Glorieuses. Les conditions météo se sont un peu améliorées et Thierry et Alex en profitent pour faire une exploration plongée en compagnie de Clément et Marine.
Au total, 24 km de Manta Tow ont été effectués pour évaluer les abondances des holothuries commerciales aux Glorieuses, soit une surface de 120 000 m2 et seulement 223 holothuries ont pu être recensées.
De son côté, l’équipe Tortue part avec deux embarcations à la recherche des 3 Gopros encore manquantes. Malgré une recherche assidue ils reviennent bredouilles. Parmi toutes les tortues équipées, seules 2 d’entre elles, surnommés Beirout et Panamag n’auront pas été revues par l’équipe. La présence sur zone des requins tigre et le comportement plutôt craintif des tortues sur Glorieuses laissent à penser à une fin tragique pour ces deux-là.
Après le déjeuner, opération rangement en vue du départ. L’équipe Tortue dépose son embarcation au camp, celle-ci repartira à la Réunion lors d’une prochaine rotation.
16h30, tout est calé et les deux annexes sont remontées à bord. L’ANTSIVA peut appareiller. C’est dans une houle inconfortable et avec un vent trop faible pour gonfler suffisamment les voiles que nous mettons le cap sur Mayotte.
Samedi 10 Octobre
La navigation jusqu’à Mayotte s’effectue en grande partie au moteur et nous ne bénéficions que de quelques heures favorables pour hisser les voiles.
Ti des photos, visionnage des vidéos, travail sur les données collectées, lecture, repos ou encore parties de cartes, chacun organise sa journée à sa convenance mais tous se retrouvent autour du carré lorsque la cloche sonne l’appel des repas…
Ainsi s’achève Panamag 1, premier volet d’acquisition de connaissances pour une gestion durable du parc marin des Glorieuses. Un grand merci à tous pour cette nouvelle mission.