Pourquoi les tortues reviennent pondre sur leur lieu de naissance ? épisode 1

Bébé tortue iles éparses

Lieu : Les Glorieuses

Réalisée en 2008

Chef de mission : Simon BENHAMOU - CNRS Montpellier

La première quinzaine du mois de mai a été retenue pour cette nouvelle mission associant le CNRS, Kélonia, Ifremer et l’Université de la Réunion.

L’objet de cette mission est de mieux comprendre le déplacements des tortues. Concrètement, la manipulation consiste à capturer des tortues vertes ayant effectuées leur première ponte, de les embarquer à bord d’Antsiva et de les larguer en pleine mer après les avoir éloignées d’au moins 100 milles de leur lieu de ponte.
12 tortues adultes devront être ainsi capturées. Chacune sera équipée d’une balise Argos qui permettra de les suivre via le satellite. Pour corser le tout, er afin de perturber leur sens de l’orientation, certaines seront affublées d’un « diadème » aimanté.

Voila, le tableau est dressé et c’est parti pour 14 jours d’aventure et plus de 800 milles à parcourir.

Jour 1

Nous avons aussi embarqué sur le pont les caisses démontées destinées à recevoir les tortue durant leur séjour à bord, ainsi que des bambous et divers matériel qui serviront à la manutention des petites bestioles qui peuvent atteindre 250 kgs !!

Jour 2

La nuit dernière a été clémente, pas trop de houle, mais le manque de vent nous a obligé à effectuer cette traversée au moteur. Nous jetons l’ancre devant le « débarcadère » aux tous premiers rayons du soleil. Et l’aube faisant place au jour nous dévoile les eaux turquoises de cet éden « magique »
Le petit-déjeuner vite avalé, l’équipe est aussitôt à pied d’oeuvre pour débarquer le matériel. Avec Tombo et Rafaël, nous montons les caisses prévues pour le bord : un vrai jeu de meccano. Mais déjà, en les montant, nous mesurons leur fragilité : le menuisier malgache qui nous les a fabriquées c’est visiblement débarrassé de tout son aubier !
Ceci fait, nous descendons à terre pour nous attaquer au montage des caisses destinées au parkage des tortues sur la plage, en attente de transbordement sur le bateau. En gros nous montons une zone de transit.
Apres avoir dîner très tôt pour se caler avec la marée toute l’équipe descend à terre pour la nuit avec comme mission de capturer les premières tortues.

Jour 3

Au petit matin, quatre tortues ont été capturées. Après moult réflexions, l’équipe décide que le bateau n’effectuera que 2 rotations de 6 tortues (à la place des 3 rotations de 4 tortues initialement prévues). Il faut donc capturer deux autres tortues pendant la nuit prochaine. En attendant, les quatre tortues sont parquées sur la plage dans les caisses et l’équipe doit se relayer toute la journée pour les surveiller, les arroser et les empêcher d’exploser leur cage. En effet, les tortues se sentant prises au piège, ruent dans les brancards et montrent une féroce détermination à vouloir s’évader.

Jour 4

Les deux dernières tortues ont été collectées pendant la nuit. Reste les manoeuvres d’embarquement à bord d’Antsiva. Là encore, les choses ne sont pas aisées: les tortues sont lourdes (entre 120 et 200 kgs) et ne montrent aucune bonne volonté pour faciliter les manipulations. Après quelques « couacs » de mise au point, nous trouvons les solutions adaptées au problème. Afin d’éviter les violents coups de nageoires intempestifs, chaque tortue sera empaquetée dans un sac à voile. Quatre tortues sont parquées dans les quatre caisses à l’avant et deux autres occupent l’annexe.
En fin de matinée, les opérations de transbordement sont terminées. Déjeuner pour tout le monde et départ pour un point situé à 100 miles au nord ouest des Glorieuses.
La navigation se fait sans problème. Tout va même trop bien car le vent et le courant nous poussent à destination, ce qui promet un retour difficile !

Jour 5

Nous arrivons au point du lâcher avec les premiers rayons du soleil et nous mettons le bateau à la cape. La houle se fait sentir et ne facilite pas les manoeuvres. Pour les besoins du film, deux caméramans se mettent à l’eau. Enfin, une à une, chaque tortue va enfin retrouver son élément naturel.
A la plus grande satisfaction de tous !
A 11h00 l’annexe est remontée à bord ; nous pouvons faire demi tour.
Comme nous l’imaginions, le vent et le courant, favorables à l’aller sont maintenant contre nous. La mer est trop formée pour imaginer tracer direct au moteur. Nous tirons donc des bords plus ou moins carrés sur le chemin du retour. Avec l’approche de la nuit des grains orageux s’annoncent. Nous prenons tous notre mal en patience et entamons nos quarts. Certains équipiers trop malades en seront tout de même dispensés, le skipper n’est pas un monstre si insensible que ça !!!

Jour 6

Au petit matin, nous nous sommes rapprochés de 40 milles nautiques sur les 100 milles à parcourir.
C’est le moment que choisit la grand voile pour se déchirer (12 heures de travail seront nécessaires pour recoudre le tout). Nous équilibrons le génois avec le moteur sous le vent. Petit à petit les conditions de mer et de vent mollissent et nous optons pour une trace directe au moteur. A 15h00 la boucle est bouclée : nous sommes de retour sur les Glorieuses. A peine arrivée, l’équipe de l’Ifremer se jette à l’eau pour collecter les échantillons ADN de petits poissons de récifs (ti’jaunes et cardinaux). Le but de étant de déterminer les migrations des larves au sein de la région sud-ouest de l’océan indien. Cette étude permettra de déterminer à terme s’il est pertinent de préserver certaines zones afin d’assurer le repeuplement des récifs largement ponctionnés par l’homme.
Apres le dîner rebelote, les 10 quittent le bord et repartent à la chasse aux tortues durant toute la nuit.

Jour 7

Ce matin, seulement 4 tortues dans les parcs de la plage. Nous attendrons donc une nuit de plus avant de repartir pour la seconde rotation. S’en suit la ronde des ¼ pour la surveillance et l’arrrosage des tortues prisonnières. Durant la journée, l’équipe des turttle-men s’occupe à attraper et baguer des tortues juvéniles. C’est l’occasion pour Romain de s’initier à ce rodéo peu conventionnel qui consiste à s’approcher au plus près de la tortue nageant dans des eaux peu profondes, de lui sauter dessus en lui bloquant les pattes antérieures. Ce premier essai n’est pas concluant : Romain rentre bredouille. Le reste de l’équipe ne manque pas de « moukater » le bizuth qui le prend avec le sourire.

Jour 8

La nuit à l’ancre a été mouvementée : 25 nds de vent. Si le mouillage est abrité à marée basse, il ne l’est pas du tout à la marée montante. La houle entre et les vagues peuvent déferler. Nous avons dérapé de 500 m et nous avons du lâcher 80m de chaîne dans seulement 10m d’eau !
Ce matin le compte des tortues est bon, mais la voile n’est pas encore prête. Romain tente un nouveau rodéo et réussit cette fois à attraper 2 juvéniles, ce qui lui vaut les chaleureuses félicitations de tous.
Les jours passent, les nuits sans sommeil se cumulent, mais l’équipe Kélonia / Ifremer affiche une forme, une énergie et une bonne humeur constante. Chapeau bas, messieurs !
A 16h00 la voile a enfin repris sa place et nous commencons l’embarquement des 6 dernières tortues. 21h00 nous levons l’ancre pour la seconde rotation.

Jour 9

Cette nuit, la navigation s’est passée sans problèmes. Par contre, les tortues se sont agitées et ont détruit deux caisses et déchiré un sac. Elles ont autant hâte de retrouver l’eau que nous de les y reconduire. Arrivée sur le site à 14h00. Nous relâchons nos captives directement du bateau, sans passer par l’annexe. Comme cette fois-ci, il n’y a pas de film à tourner, tout est plus simple, d’autant plus que nous commençons à maîtriser parfaitement la manipulation. A 15h30 nous passons un grand coup de jet pour nous débarrasser des tonnes de sable accumulées sur le pont. Nous profitons d’une fenêtre météo calme pour un retour tout en douceur.

Jour 10

Arrivée aux Glorieuses à 13h00. Jérôme et Hendrick repartent à la chasse aux juvéniles, mais chemin faisant , ils rencontrent des raies pastenagues peu farouches et en profitent pour plonger avec elles et prendre de superbes photos. Stéphane, débarqué depuis deux jours nous rejoint pour le dîner et peu ainsi apprécier la Caïperina préparée par Hendrik.
La nuit s’annonce calme et nous avons tous besoin de repos.

Jour 11

Ce matin, Hendrik accompagné de Jérôme et Rafaël va récupérer une caméra déposée par une précédente mission. Cette caméra a enregistré 2 minutes de film toutes les 2 heures. Cette étude d’un point fixe du récif doit donner de précieuses indications sur le comportement des poissons sédentaires. Ceci fait, ils repartent à la collecte d’échantillons de poissons. Echantillons qui s’avèrent être de plus en plus petits et donc de plus en plus difficiles à flécher. De son cote Romain gagne du galon en capturant en rodéo 4 tortues dont un mâle de belle taille. En fin d’après-midi, un mémorable match de foot est organisé entre les militaires et le bateau. C’est une cuisante défaite pour les scientifiques : 11 à 0 mais l’ambiance est au beau fixe et tout le monde se retrouve autour d’un apéro bien arrosé.

Jour 12

Ce matin, nous nous préparons au départ. Nettoyage pour laisser la plage propre. Exit les caisses, les sacs à tortues etc.…
Tout le monde en profite pour envoyer son courrier. Il faut savoir que les TAAF émettent des timbres valables uniquement sur les îles éparses et oblitérables par l’unique « gendarme, agent postal » présent sur une seule de ces îles : la grande Glorieuse. Quand on sait que pour se rendre sur ladite île, il faut une autorisation spéciale délivrée avec beaucoup de circonspection, on peut imaginer dans ces conditions, l’intérêt des philatélistes.
Une fois les bagages pliés, nous partons pour l’île du Lys afin d’y retrouver une grande colonie de sternes. Nous mouillons dan 6 m d’eau cristalline.

Jour 13

Dans la nuit le vent s’est levé et le mouillage est limite tenable nous avons du mouiller 80m de chaîne dans seulement 7 m d’eau pour enfin accrocher. Et, au petit matin, c’est face à des creux de plus de 2.5m que nous passons la pointe nord du récif.
Nous envoyons de la toile et tout redevient plus confortable malgré les 30 nds de vents aux prés.
Puis petit à petit tout en descendant vers le sud le vent molli jusqu’à nous obliger à lancer le moteur. La nuit chacun reprend son ¼ et les milles défilent.

Jour 14

Au petit matin nous débarquons l’équipe Kélonia sur Nosy Iranja. Ils ont établi un partenariat avec l’hôtel dans le but de sauvegarder les tortues et viennent pour faire le point et resserer les contacts avec Ignace le monsieur tortue de l’hôtel.
Puis nous reprenons notre route jusqu’au cratère point final de la mission.