Le corail, marqueur du réchauffement climatique

Récifs fossiles mission scientifique Reefcore 3 Juan de Nova

Lieu : Glorieuses / Juan de Nova

Réalisée en 2015

Mission : REEFCORES III

Chef de mission : Gwenael JOUET Ifremer Brest

L’embarcation affrétée pour cette mission est un navire à pavillon malgache l’ANTSIVA, basé à Nosy Be (Nord‐Ouest Madagascar). Cette goélette en aluminium est le seul moyen navigable disponible et adapté pour cette expédition dans les îles Éparses. Il a été récemment certifié et dispose des autorisations de l’administration des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) pour travailler dans ces zones hautement protégées (ex. parc naturel des Glorieuses). L’ANTSIVA possède tous les moyens embarqués nécessaires pour la mise en œuvre de nos outils de prospection géophysique et la réalisation de nos prélèvements sédimentaires. Il est particulièrement adapté aux travaux par petits fonds et pour les opérations de levés acoustiques (bruit moteur très faible). La prospection sismique et bathymétrique nécessite en particulier un déploiement technique spécifique:

Capacité de transport de matériel (> 1.5T)
Longueur supérieure à 20m pour une utilisation simultanée et sans interférence du sondeur EM3002 (proue) et de la sismique Sparker (poupe)
Un tirant d’eau inférieur à 1,5m pour pouvoir travailler dans des eaux très peu profondes
Dispose de 2 annexes rigides pour les travaux à terre et en mer
Capacité d’embarquer 7 scientifiques qui mettront en œuvre les systèmes et d’une autonomie pour 25 jours de mer.
Capacité de délivrer une puissance électrique > à 5 kVA pour les systèmes d’acquisition
Géophysiques (en plus des systèmes propres du navire)
Dispose d’une perche rétractable à la proue pour le sondeur EM3002 (fabriquée pour les besoins de la mission)
Dispose d’un mat de charge hydraulique (bâbord) et d’un portique (poupe) pour la mise en œuvre de la benne à sédiment.
Les compétences techniques et scientifiques de l’équipage associées aux caractéristiques de l’ANTSIVA ont été un atout de taille pour l’acquisition de données de qualité et ont indéniablement participé au succès de la mission REEFCORES‐3.

L'équipe de la Mission scientifique Reefcor

Cette mission de 3 semaines qui va nous mener (après une navigation de quelques 1500 milles nautiques) des îles des Glorieuses à Juan de Nova en passant par le plateau continental au large de Majunga promet d’être dense et riche avec des objectifs chargés.

Au programme : des acquisitions de données bathymétriques et sonar, des acquisitions de données sismiques et des prélèvements sédimentaires par benne.
Le principal objectif de cette nouvelle mission REEFCORES étant de reconstituer les variations du niveau marin et les changements environnementaux et climatiques du Quaternaire à nos jours.

Pour cela, Antsiva s’est doté d’un nouvel équipement permettant la mise en place d’un sondeur multifaisceaux : il s’agit d’une perche pivotante d’une longueur de 3,50m, fixée à l’avant du bateau. Cette perche peut accueillir un sondeur mais aussi de nombreux autres instruments océanographes.
Antsiva, en escale à la Réunion a déjà chargé dans ses soutes les 8 palettes de matériel dont les scientifiques auront besoin lors de cette mission. Pour la navigation jusqu’à Madagascar toutes les caisses ont été calées et arrimées mais même bien rangées elles représentent déjà un volume de près de 10m3.
Jour J, Antsiva embarque toute l’équipe à Diégo Suarez. A peine à bord, les géologues ont hâte de tester et d’installer leur matériel. En quelques heures, toutes les caisses sont vidées, leur contenu déballé et les volumes d’ANTSIVA transformés en différents laboratoires scientifiques.

Ainsi, la cabine avant devient le « labo bathymétrie » : des écrans, des ordinateurs, des unités d’émission, de réception et des unités de traitement sont rapidement montés et fixés sur la table, des câbles électriques courent de l’avant à l’arrière du bateau.
Christophe est le chef d’orchestre de cette transformation et, malgré la chaleur suffocante, nos géologues, en nage poursuivent sans relâche la mise en place des autres instruments. Ils installent ensuite le « labo sismique » dans la soute principale. Là encore des écrans et des unités de traitement sont sanglés, et toujours ces câbles électriques qui, telles des lianes capricieuses surgissent et envahissent peu à peu les espaces aériens du bateau.
Enfin, plusieurs antennes GPS sont déployées et un écran supplémentaire vient se fixer au poste de pilotage. Ce dernier s’avérera très utile puisqu’il permettra au pilote de suivre en direct la cartographie de la bathymétrie et de bien rester dans les lignes fixées.
Il reste une dernière chose à faire avant l’appareillage (et non des moindres) : le test du sondeur multifaisceaux et son installation sur la perche. Le sondeur est alors fixé et boulonné sur la platine à l’extrémité de la perche. Celle-ci coulisse dans un manchon et descend jusqu’à ce que l’appareil se retrouve à 1.5m sous l’eau. Après quelques essais infructueux, Charline sort de la cabine tout sourire « Ca marche, c’est génial ! »

Et voilà, le cri du départ est lancé. Tout est prêt, nous pouvons lever l’ancre. Nous quittons le port de Diégo à l’étale de marée pour ne pas trop subir les phénomènes de courant contre vent fréquents dans la passe.
Jusqu’au Cap d’Ambre, ça secoue pas mal et les premières heures de navigation ne sont pas des plus confortables mais cela permet à toute l’équipe de s’amariner rapidement. Vers minuit, nous passons le fameux Cap du nord de Madagascar. Comme par magie, la mer s’aplanit, le vent nous est favorable. Nous hissons les voiles pour nous laisser pousser jusqu’aux Glorieuses.

Les Glorieuses et l’île du Lys

Réveil au petit matin au mouillage des Glorieuses. Tout le monde est sur le pont, pressés de retrouver ou de découvrir cette île verdoyante posée sur son lagon turquoise.

Mais le temps des scientifiques est compté et il s’agit d’optimiser cette première journée de travail.
Les formalités effectuées, nous débarquons l’équipe des tortues à terre avec une annexe et du carburant et laissons Mayeul et Claire à la bonne charge des militaires qui, très gentiment, vont leur offrir le gite et le couvert pendant les 4 jours qu’ils vont passer sur Glorieuses.
Leur travail consistera aux captures d’immatures sur lesquelles ils vont effectuer les opérations suivantes : bagage, poids et mesure, photo du profil et des écailles et prélèvement génétique.

Et nous repartons avec l’équipe des géologues pour démarrer aussitôt les acquisitions de données et effectuer un premier profil et une première petite « boite » sur l’île du Lys.
Nous y resterons pendant toute la durée aux Glorieuses, puisque le travail des géologues se situe sur cette partie de l’île.

Une fois les instruments déployés, c’est-à-dire le sondeur multifaisceaux et les câbles sismiques mis à l’eau, le travail à bord d’Antsiva consiste à suivre des lignes données par Gwen. Le travail du pilote demande une grande concentration car le bateau ne doit pas s’écarter de ces lignes.
Au fur à mesure que nous progressons, nous voyons les fonds marins se dessiner en direct et en couleur sur l’écran la bathymétrie installé à la table à carte.
Une « boite » est faite lorsque suffisamment de profils ont été effectués sur une zone donnée.

Pendant ce temps, Christophe et Pascal, chacun « isolé » respectivement dans la cabine avant et dans la soute gèrent et surveillent leurs instruments. Charline, quant à elle, les yeux rivés sur son écran d’ordinateur traite les données acquises la veille.

Deux jours de suite, Stéphane et Simon descendent à terre afin d’étudier les roches et la géologie particulière des anciens récifs immergés de l’île du Lys. Nous les laissons donc le matin sur cette île où la végétation est rare et le soleil implacable et nous les retrouvons le soir passablement lessivés mais très enthousiastes.

Le 3ème soir, nous retournons au mouillage des Glorieuses afin de retrouver Mayeul et Claire qui sont en manque de carburant pour l’annexe. Ils proposent aux géologues de les suivre lors de leur campagne nocturne. L’intérêt de ces missions pluridisciplinaires réside aussi dans ces échanges entre scientifiques et c’est l’occasion pour les géologues de participer à une soirée « ponte de tortue » sur la plage en compagnie des spécialistes tortue qui vont les guider et leur donner toutes les explications nécessaires.

Quatre jours aux Glorieuses, tous les profils ont été réalisés. Il est temps de reprendre la mer car deux jours de navigation sont nécessaires pour rallier le port de Majunga. Comme aucun travail de sismique ou de bathymétrie n’est prévu sur le trajet, nous en profitons pour pêcher le long de la côte malgache.
A l’arrivée à Majunga, Stéphane et Jérôme nous attendent déjà pour le changement du binôme « tortue ».

Le temps d’un approvisionnement en fruits et légumes et nous voici repartis en direction de Juan de Nova. Ce trajet va encore nous prendre 2 jours entiers car de nombreux profils et différentes «boites » doivent être réalisés lors de cette traversée. Le travail s’enchaîne nuit et jour et les équipes de quart se relaient pour le pilotage et pour la surveillance des instruments.

Juan de Nova

Enfin, le 5 avril nous atteignons le mouillage de Juan de Nova. Jérôme et Stéphane sont sur les starting-blocks et débarquent aussitôt. Ils sont impatients d’expérimenter sur le terrain leur nouvelle manipulation. Il s’agit de poser sur la carapace de certaines tortues juvéniles une caméra Go pro qui va enregistrer tous leurs mouvements. Le but étant de découvrir les lieux d’alimentation de ces tortues.

Deux géologues, Stéphane et Simon descendent également à terre afin d’étudier les récifs coralliens anciennement immergés de Juan de Nova.
La partie Sud de l’île présente des formations particulièrement intéressantes avec de vastes excavations dans le corail et d’énomes bénitiers fossiles.

Pendant ce temps, le travail des géologues repend.
Les appareils de sismique et de bathymétrie sont de nouveau déployés. Alex installe également un petit sonar que nous trainons à l’arrière du bateau.
Et alors qu’Antsiva suit consciencieusement les lignes des profils données par Gwenael, l’annexe part avec une petite équipe pour effectuer des prélèvements de sédiments par benne.

Les 4 jours passés sur Juan de Nova vont nous permettre de sillonner de long en large l’ensemble du lagon. Et après quelques 150 milles nautiques de profils effectués sur ce seul lagon, celui-ci n’aura vraiment plus aucun secret pour nous !

Pour la dernière matinée, tous les scientifiques débarquent sur l’île. Il s’agit de récupérer le matériel laissé à terre par l’équipe des géologues. C’est aussi l’occasion pour eux de se dégourdir les jambes et de piquer une tête dans les eaux merveilleusement turquoises de Juan de Nova.

A 15 heures, l’annexe blanche des « tuttle men » revient à bord. Nous n’attendons plus qu’eux pour lever l’ancre et quitte Juan de Nova en direction de Mayotte.
Cette fois ci, Eole n’est pas avec nous ; le vent du sud qui soufflait depuis deux jours a faibli et c’est tout au moteur que nous allons effectuer cette dernière traversée.

Mais cela laisse du temps, le temps …

aux géologues de débrancher tous les instruments et de ranger calmement le matériel dans les nombreuses malles prévues à cet effet.

à Charline de finir les traitements de données et de pouvoir enfin voir sereinement un coucher de soleil

à Stéphane et Jérôme de visionner les heures de films où les tortues nagent, nagent et nagent …

à Simon de nous présenter très pédagogiquement son projet de thèse

à Christophe de tenter une nième approche de la chatte Cannelle

à Gwen de récupérer quelques heures de sommeil bercé dans le hamac

et à tous de profiter d’une brève parenthèse loin de toute agression extérieure

Merci à toute l’équipe pour cette nouvelle mission qui demeure toujours une aventure à part entière.

Merci à l’Ifremer Brest et l’IUEM qui ont permis à l’ANTISVA de se doter de nouveaux acquis et de nouveaux outils dans le domaine de la bathymétrie,

Merci à l’Ifremer Reunion et Jérôme pour le soutien logistique et moral apporté lors de l’élaboration de cette mission

Merci à Kélonia pour ses équipes de ‘turttle men’ toujours aussi professionnelles

Et enfin merci à Gwenael et Stephane qui, malgré les nombreuses difficultés rencontrées lors du montage de cette mission nous ont toujours accordé leur confiance.